LE NÉGOCE A LA UNE Agro 67, un pied en Alsace, l’autre en Allemagne
Négoce alsacien à capital allemand, Agro 67 se retrousse les manches pour être moteur dans les évolutions imposées aux agriculteurs par la société et la législation. Conseil agronomique et transparence sur les prix sont ses deux chevaux de bataille sur le terrain.
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« Un négoce filiale de coopérative, c’est assez fréquent. Mais un négoce d’une coopérative allemande, il n’y en qu’un seul en France. » Vincent Weureuther, cogérant, résume en deux phrases la singularité d’Agro 67. La SARL est née en 1999, l’année où la Coopérative agricole de céréales (Cac), à Colmar (Haut-Rhin), cède à la Zentral Genossenschaft (ZG), ce site des Établissements Fischer, un fabricant d’aliment du bétail, qu’elle avait elle-même acquis en 1991.
La société Agro 67 est animée par deux cogérants, Bernard Weber, en poste depuis le démarrage de l’activité, et Vincent Weureuther, nommé en 2018. Le premier est plutôt chargé du volet administratif, de la vente de la collecte, et garde une activité commerciale au Palatinat, dans une zone maraîchère de l’autre côté de la frontière. Le second veille davantage au référencement des produits, aux achats, à la logistique récolte tout en gardant un portefeuille clients. « Chacun a son rôle. La confiance entre nous est totale », soulignent les deux hommes.
La meilleure offre, fil rouge des appros
Agro 67 se déploie surtout au nord du Bas-Rhin. « Cela correspond à notre zone d’activité historique. À Schwabwiller (commune de Betschdorf), nous sommes géographiquement plus proches de Karlsruhe, le siège de la ZG, que de Colmar. Les premiers silos de la ZG sont à trente kilomètres à peine », énonce Vincent Weureuther. La ZG, qui réalise 1 250 M€ de CA consolidé avec 5 000 adhérents au Bade-Wurtemberg, est l’actionnaire unique du négoce. « Les grandes décisions lui sont soumises. Mais Agro 67 ne porte aucune charge de la maison mère. Elle lui laisse une pleine liberté de gestion. »
En matière d’appro, par exemple, Agro 67 travaille en direct avec ses fournisseurs, avec pour fil rouge la meilleure offre. « Parfois c’est la ZG, parfois pas », signale Vincent Weureuther. Seule exception à la règle : les phytos, pour lesquels Agro 67 passe par la centrale Agrihub via Multi Appros (Seveal). « Nous sommes trop petits pour déléguer quelqu’un qui suit l’aspect réglementaire. Multi Appros nous accompagne bien sur ce point. »
La ZG en soutien pour la collecte
La ZG reste néanmoins un réel point d’appui, à commencer pour la collecte. C’est en l’occurrence l’infrastructure de séchage de la coopérative allemande qui sert pour le maïs collecté quasi exclusivement en départ champ. Depuis 2019, Agro 67 dispose pour sa part d’une capacité de stockage propre pour du blé, du colza et du maïs sec grâce au rachat de silos d’une semoulerie au port du Rhin, à Strasbourg. Leur capacité de 15 000 t voisine avec le propre site de la ZG situé juste en face, sur la rive allemande. Autre synergie en matière de vente : les céréales d’Agro 67 utilisent le canal d’ECU (Europe Crop United), la structure de commercialisation commune aux groupes ZG et Cac, logée dans des locaux qui sont la propriété du négoce alsacien.
Avec de tels solides arrières, Agro 67 mène une stratégie qui ne cache pas son ambition de gagner des parts de marché auprès d’agriculteurs spécialisés pour 70 % d’entre eux en grandes cultures. Si les producteurs qui l’ont rejoint au fil des ans ont régulièrement été convertis en nouveaux clients, l’entreprise veut aujourd’hui convaincre sur le terrain du conseil agronomique. « Au départ, la taille des structures avec lesquelles nous étions en relation était plus modeste et les itinéraires plus simples, relatent Vincent Weureuther et Bernard Weber. Les choix appliqués ces cinquante dernières années ont appauvri le sol. Notre tâche est de le reconstruire en tenant compte de la pression sociétale et législative. Cette évolution n’est pas la fin du monde. Derrière tous les discours, il y a une part de vérité. C’est pourquoi Agro 67 a développé une approche en propre. Notre philosophie n’est pas de préconiser tant de NPK, mais d’avoir en tête les résultats de l’analyse de sol, le taux de matière organique, les pratiques de l’agriculteur, afin de pouvoir diminuer les phytos. C’est possible si on ne considère pas le sol comme un substrat neutre. En mettant une plante dans un contexte favorable, on la rend plus résistante. »
Promoteur de fertilisation organique
En pratique, les TC préconisent de renoncer à la fumure minérale, d’éliminer tous les produits CMR quand c’est possible, d’utiliser au moins un produit de biocontrôle dans la saison. « Nous sommes moteurs dans la vente de composts NFU 44-051 ou 44-095 qui se substituent aux P et K formulés traditionnellement, relève Vincent Weureuther. Au moins la moitié de nos clients sont désormais en fumure organique. En 2022, l’augmentation des prix a encore donné un coup de pouce à cette orientation. » Pour l’azote, la priorité est donnée depuis quatre à cinq ans à des urées protégées. « L’unité revient plus cher, mais si on ne considère que l’efficience, ce n’est pas plus cher, poursuit-il. Une dose de soufre la renforce même, comme le montrent les essais menés par la ZG qui est contrainte d’explorer cette voie par la législation allemande. Aujourd’hui, nos concurrents nous emboîtent le pas. »
Agro 67 profite de tout ce que la ZG peut lui amener en connaissances, mais aussi techniquement. Les mélangeuses de la coopérative allemande installées à Kehl, en face de Strasbourg, formulent à la carte les engrais commandés par les clients d’Agro 67 en fonction des équilibres souhaités. L’outil allemand a la capacité de « mélanger toutes les formes possibles et imaginables d’azote en y incorporant tout oligo-élément ». Tenté par le bio ? « Ce train-là est sans doute passé », estime Vincent Weureuther. Mais au cas où, pas de danger, Agro 67 détient sa certification bio depuis 2021 !
Proactif en colza
Sur le terrain économique, Agro 67 cherche à se démarquer par une « politique de transparence », à la vente comme à l’achat. « Nous ne pratiquons pas des montages avec des ristournes, font valoir les deux cogérants. L’agriculteur sait tout de suite à quel prix il achète et auquel il vend. Après, c’est à lui de choisir en connaissance de cause. » En collecte, Agro 67 laisse le client décider s’il veut travailler au prix moyen ou au cours du jour. Le négoce plaide plutôt pour cette seconde option en s’appuyant sur le marché à terme. Il publie quotidiennement une offre à prix net fixe via une assurance et revend immédiatement après l’accord via SMS ou courriel de l’agriculteur. « Avec ce système, nous collons au marché tout en responsabilisant l’agriculteur en quête de transparence. Les jeunes générations sont sensibles à cette démarche », rapporte Vincent Weureuther. En mai 2022, Agro 67 a ainsi acheté du blé 2023 à plus de 300 €/t et en septembre 2022 du maïs 2023 à 280 €/t. Selon l’année, entre 10 et 50 % des clients y souscrivent pour ces deux céréales. Cette proportion grimpe à 90 % en colza. L’oléagineux explique en partie la progression d’Agro 67 ces dernières années. « Cela fait quinze ans que nous défendons cette culture, rappelle Vincent Weureuther. Nous payons la graine et l’huile. En mai 2022, nous avons proposé de contractualiser cette culture à 700 €/t. Le colza a toute sa place dans le contexte local où ses rendements peuvent atteindre 55, voire 58 q/ha. C’est ce qu’indique le modèle mis au point par Agro 67. Il calcule les bénéfices d’une rotation sur cinq ans, tient compte des coûts de production, prévoit un prix de vente pour que l’agriculteur soit certain de sa marge. » Aujourd’hui, c’est la ZG qui s’inspire de ce modèle. Preuve qu’une coopérative allemande peut aussi apprendre d’un négoce français !
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